A propos des antagonismes réels…

A propos des antagonismes réels..., bouc émissaire

Des antagonismes de surface aux antagonismes réels… Des conflits visibles aux tabous institutionnels …

La délicate et difficile question des antagonismes réels dans le phénomène du bouc émissaire.

Le bouc émissaire est, notamment, un phénomène de substitution : pour ne ne pas à avoir à être confronté à des questions qui fâchent vraiment, qui seraient susceptibles de déstabiliser mortellement, de faire imploser ou exploser le groupe, celui-ci lui substitue d’autres antagonismes, que nous pouvons qualifier de superficiels et de décalés au regard des problématiques essentielles et fondamentales qui se posent au groupe.

Ces antagonismes sont moins dangereux pour les équilibres internes. Ils peuvent être considérés comme des leurres qui vont, au contraire, participer de la restabilisation du groupe, dès lors qu’ils auront été solutionnés. Ce sont ces antagonismes, conflits divers et variés, qui participent de la définition des signes victimaires de celui* qui, peut-être, incarnera la figure du bouc émissaire. Ils donnent l’occasion aux accusateurs, plus ou moins inconsciemment, d’orienter le regard du groupe vers le bouc émissaire. Ainsi, le bouc émissaire, lorsqu’il est incarné, est innocent aux antagonismes réels mais pleinement impliqués dans les antagonismes de substitution, ceux que nous venons de qualifier de superficiels et décalés.

Comprenons bien que ces antagonismes, eux-aussi, existent réellement ; ils peuvent avoir des conséquences bien fâcheuses, et il faut les prendre très au sérieux sous peine de cautionner et d’accentuer la stigmatisation du bouc émissaire incarné ; mais ils se substituent à d’autres, plus importants encore aux yeux de la communauté (mais la communauté voit-elle bien ?), qui préfèrent ne pas avoir à les évoquer, même pas à les penser… peut-être n’imagine-t-elle même pas qu’ils existent et qu’ils « travaillent » dans les strates archaïques du groupe.

Les antagonismes réels renvoient en fait à la profondeur éthique du groupe considéré : ce qui fait réellement sens en lui. Ce qui valide et justifie le fait qu’il « est « . Ce qui légitime son existence. Ce qui fait qu’à un moment – parfois lointain-, il eu besoin, il a eu la force et volonté de se constituer.

Les antagonismes réels questionnent toujours les origines du groupe dans ses aspects fonctionnels mais aussi éthiques. Et ils les mettent en perspective avec la réalité contemporaine. En d’autres termes, ils posent et reposent indéfiniment, et sous des modes variés deux questions essentielles :

1) Où en sommes-nous de notre utilité (sociale, philosophique, économique, politique) ? … peut-on encore exister aujourd’hui ? ;

2) Sommes-nous porteurs de nos valeurs initiales ?

Et accessoirement, sommes nous fidèles à notre dessein, à notre projet initial, aux fins que nos anciens avaient fixées ?

Les antagonismes réels, de quels ressorts sont-ils alors ? Ils ont à voir, avec l’identité des groupes considérés.

On voit rarement apparaître les antagonismes réels. Pourtant, nous invitons à (se) poser systématiquement la question dans les applications de notre grille de lecture. Et bien souvent, avec un peu d’expérience et de recul, nous approchons ce qui parfois peut demeurer indicible, inaudible, invisible et participe alors des « tabous » du groupe considéré.

On peut penser néanmoins que les antagonismes réels existent au sein des conflits apparents ; si bien souvent, ils s’en servent comme paravent, comme leurre avons-nous dit plus haut, parfois ils s’y rétractent, viennent s’y camoufler. Et si l’on déconstruit, analyse et approfondit bien les conflits, les signes victimaires, les objets de rivalités apparents,  ou bien si on les étudie comme des symptômes et non des problèmes, on arrive aux antagonismes réels.

Là, disons-le tout net, danger !

Danger car si le groupe a construit ces antagonismes comme tabous, c’est que le risque est absolu.

Pour les téméraires qui voudraient s’affronter à la difficile et délicate question des antagonismes réels, nous ne voyons d’expérience que deux moments où un groupe constitué peut les aborder, les nommer, en faire un objet de travail : la phase apaisée, en pariant sur la maturité du groupe ; les moments paroxystiques en se disant que l’on n’a plus grand chose à perdre et que l’on peut tout mettre sur la table.

* Rappelons que le bouc émissaire n’est pas toujours une personne : il peut être un groupe de personnes, un groupe social, une ethnie, une religion, une institution, une entreprise, un lieu, une nation, une fonction professionnelle, un statut professionnel (les ouvriers, le PDG) ou social (les mères de famille etc.), un métier, etc.

1 réflexion sur « A propos des antagonismes réels… »

  1. admin

    Les antagonismes réels sont-il bien dénommés de cette façon ?
    Ne s’agit-il pas d’antagonismes cachés ?

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